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 Alexander Grahams [Soan]

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Jethro Phoenix
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Jethro Phoenix


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Alexander Grahams [Soan] Empty
MessageSujet: Alexander Grahams [Soan]   Alexander Grahams [Soan] I_icon_minitimeLun 28 Juil - 12:44

Alexander Grahams


Âge
30 ans.

Présentation physique
Au premier abord, Alex a une dégaine de jeune con qui n'a pas voulu mûrir, tatoué et piercé un peu partout. Des vêtements en mauvais état. Toujours une clope ou un pétard au bout des doigts, des bracelets à pics, une casquette à la visière décorée de capsules de bière, des Rangers noires, un teeshirt XXL porteur de prophétie apocalyptique, et un baggy usé qui tient par un inexplicable miracle sous son postérieur. Pour peu que vous le remarquiez, vous n'auriez pas spécialement envie de l'approcher, persuadé qu'il cache un gros molosse sous sa veste en cuir.
Alex est quelqu'un d'assez négligé. Pourquoi prendre soin de soi quand on vit quasiment en autarcie ? Il passe son temps à poils chez lui et n'y invite personne.
Des cheveux noirs mal taillés – parfois, il se rase la tête - et une barbe légère contrastent avec la blancheur maladive de son épiderme. Evidemment, il ne voit jamais le soleil. Il n'est pas particulièrement beau, n'a pas vraiment de charme. Un petit quelque chose de dérangeant, peut-être.
Son regard. Son oeil de lynx qui meurt d'envie de vous figer dans l'instant.

Caractère
Ne fréquentant pas le reste du monde, Alex n'a aucune notion de code social, ce qui peut lui valoir quelques foudres et créer de nombreux malentendus. Il ne connait pas l'hypocrisie, ne voit pas l'intérêt de mentir sauf dans le cadre de la survie. Il ne supporte pas qu'on se monte hautain envers lui, qu'on lui manque de respect, qu'on le blesse d'une manière ou d'une autre. Si vous l'attaquez, il vous le rendra bien plus fort et sans retenue, car il ne connait pas non plus le contrôle de ses émotions.
Il peut se montrer difficile d'accès, voire très antipathique parfois, mais derrière sa misanthropie il est un homme fondamentalement bon.


Histoire
Un matin, le soleil et les ombres se jouent de ses fines paupières à travers les fentes du bois vermoulu des volets. Alexander ouvre les yeux sur Windows et l'heure. 07 : 30. Voilà bien longtemps qu'il n'avait vu le jour. Qu'est-ce donc que cette odeur qui s'infiltre chez lui ? Le parfum du Matin qu'il a oublié. La réminiscence de cet autre monde qui le rattrape enfin. Une odeur qui devient caresse chaleureuse. La fraîcheur du renouveau. Un appel du dehors qui l'appâte sournoisement de voix d'enfants - émouvantes d'innocence. Le monde du jeu et des œillères, d'une agaçante naïveté, ce théâtre de lumière et de masques plus sournois que ceux de ces chacals nocturnes dont il fait partie. Ce que le jour éveille chez l'homme, il ne s'en rappelle plus. Alexander Grahams ne connait plus que la nuit. Parfois pendant son sommeil, alors que les autres vivent au dehors, Alexander Grahams retourne en arrière. Les hautes herbes du bush le démangent et il tape du pied pour éloigner les serpents. Il longe la haute clôture de la propriété familiale, serrant la main de sa sœur dans la sienne. Et lorsque la végétation se fait moins dense, les enfants se mettent à courir jusqu'à leur cabane perdue dans les bois, près de l'étang où se reflètent les crépuscules rougissants. Alex préférait la terre à l'homme, ce monstre violent. C'est toujours le cas. Quand l'homme, celui qu'il connaissait le plus, se faisait trop menaçant, il fuyait avec Calista, perle de ses yeux, qu'il protégeait bien plus que lui.
Tué ... Papa a tué ... Cali ...
Au loin les wallabies émergent de la végétation en longs bonds aériens. Ils s'approchent parfois, victimes de curiosité, et demeurent immobiles sur leurs puissantes pattes arrières, fixant le frère et la sœur pendant de longues minutes, jusqu'à s'en lasser et retourner bondir par-delà les rochers infestés de serpents.
Alex se redresse, échouant contre le dossier moelleux de son fauteuil de bureau. La lumière lui brûle les yeux. A tâtons, il cherche son paquet de cigarettes et s'en grille une.
Café. Il se lève, se frotte les yeux, se gratte la barbe, déambule jusqu'à la cuisine et prépare son élixir en quelques gestes mécaniques. Il s'assied sur le rebord de la fenêtre. Un petit air frais vient s'infiltrer dans ses cheveux épars et les poils de son torse. Devant lui, les carreaux de hautes barres d'immeubles lui renvoient le reflet du soleil et la couleur de quelques arbres, entre les étendages de linge. L'une de ses nombreuses voisines d'en face – il l'appelle Lucie, mais ne la connait pas – déambule toujours en petite culotte devant ses fenêtres, la nuit. Et elle sait qu'on la regarde, à quelques mètres de là.
C'est la première fois qu'il la voit habillée. Elle sourit, au loin. A lui, au reste du monde, il n'en sait rien. Plus bas encore, des gens promènent leur chien et s'en servent d'excuse pour discuter avec d'autres. Ces conversations font fuir Alexander Grahams, car Alexander Grahams n'a plus de famille, et ne parle simplement plus avec personne. Papa m'a tué ... A tué maman ... Cali ... Ses rares échanges humains s'expriment sous la forme d'emails on ne peut plus formels. C'est un anonyme qui vous prie d'agréer, Madame, Monsieur, l'expression de son jemenfoutisme distingué. Un simple observateur d'oiseaux de nuit. Et quand il ne dort pas le jour, il sort en photographier d'autres, qu'il connait beaucoup moins.
Une fois le café bu, il constate qu'il est en rade de nicotine. Une bonne excuse pour s'obliger à sortir.
Peut-être qu'en chemin, il fera quelques clichés qui valent le coup, et que personne d'autre que lui ne verra. Il est le seul visiteur de sa galerie, quand ce n'est pas l'employé du gaz, ou les flics qui viennent frapper à la porte quand il écoute de la dubstep trop fort pendant la nuit.
Alex admire la beauté la plus improbable des choses, du sac plastique qui flotte dans l'étang aux panoramas de cités, des fesses plates de Lucie aux hanches délicieuses de Gemma, la prostituée qui fait l'angle des montées d'immeuble A7 et A8.
Alex aime les putes, mais ne les baise pas.
La dernière fois qu'il a parlé à quelqu'un de vive voix, c'était à Gemma. Toutes les nuits, il la regarde s'engouffrer dans les cages d'escalier avec de sordides inconnus.
« Pourquoi tu m'observes toutes les nuits depuis ta fenêtre ? T'es un genre de psychopathe ? Je te préviens, je sais me défendre.
- Tu es la plus belle femme que je connaisse.
- Tu dois pas en voir souvent, alors … Mais … merci du compliment.
- Détrompes-toi, je regarde beaucoup de femmes, mais aucune d'entre elles n'a comme toi la Mort peinte sur le visage, comme si tu perdais un fragment de ton âme à chaque fois que tu te vends. C'est absolument ... fascinant ...
- T'es un malade. Dégages. »
La nuit dernière, Gemma n'était pas là.
Alex enfile une chemise, embarque son polaroïd et claque la porte. Il descend sept étages à pied, croisant quelques voisins qu'il n'avait jamais vus auparavant. La dernière fois qu'il est sorti de jour, c'était il y a bien un mois ou deux.
Il longe les chemins mêlant graviers et mégots puis s'engage sur un trottoir fraîchement marqué par les chiens. Le quartier est une poubelle géante où nul n'a de savoir vivre. Au bureau de tabac, on se bouscule sans s'excuser. On le sert sans un sourire.
« Je peux avoir un Bonjour avec ma monnaie ?
- Kesse t'as, tu m'agresses, là ? Prends tes clopes et casses-toi, bouffon ! »
Voilà pourquoi Alexander Grahams vit la nuit. La nuit les chiens mordent aussi, mais il y en a beaucoup moins. Il a toujours été entouré de chiens agressifs, jusque dans ses terres australes
natales. Son père était un rottweiler aux babines dégoulinantes.
Papa ... arrêtes, tu me fais mal ... Cali ...
La plupart des femmes qu'il a connu n'ont jamais tenté de le mordre, c'est pour ça qu'il les aime, les contemple, et leur voue un culte qu'elles ne veulent sans doute pas connaître. Il est clairement adepte du voyeurisme. Depuis son balcon, il aime les regarder par leurs fenêtres, imaginer leur vie et se demander pourquoi lui est incapable d'avoir une vie, et une femme. Il fait fuir tout le monde, son mode de vie d'ermite n'est pas entièrement volontaire. Il n'est pourtant pas mauvais au plumard ni ne manque d'expérience, loin de là. Il n'est pas violent, il a de nombreuses qualités.
Mais Elles ne restent pas assez longtemps pour le connaître, puisqu'il leur fait peur. Il y a ce petit quelque chose de parfaitement malsain qui se dégage de sa personne, qui vous concocte un mélange de fascination et de méfiance saupoudré du malaise que provoquent ses discours sur une vision du monde carrément glauque.
Ceci dit, il passe beaucoup plus de temps à vous photographier qu'à vous parler, et c'est ça le plus flippant chez lui. Mais vous savez si peu de choses à son sujet …
Alexander ne voit le monde qu'à travers un objectif. Son œil de lynx repère les détails les plus insignifiants. Sa mémoire photographique est exceptionnelle mais il craint toujours de finir par oublier ce qu'il a vu. Alors il immortalise l'éphémère avec son polaroïd et recouvre les murs de son studio avec des clichés de toutes sortes : de la capote usée qui gît sur le bitume avec ses bébés morts dedans, aux branches décharnées d'un arbre un soir de tempête. Il fuit la beauté commercialisée, trop usagée par ces contemplateurs sans goût, éduqués à apprécier la même chose que tout le monde.
Sa collection à lui est unique et c'est en cela que petit à petit, cliché par cliché, le monde dont personne ne veut lui appartient.
Il retourne sur le trottoir et stationne devant le passage piéton, en attendant que la circulation s'immobilise ou, du moins, se raréfie pour le laisser traverser. Le parc lui semble une bonne idée.
C'est là où les dealers et camés se retrouvent quand le jour s'efface. Il lui est déjà arrivé de s'y balader sous la lueur blafarde des lampadaires mais suite à quelques mésaventures, ne s'y rend plus de nuit. Peut-être ce matin, trouvera-t-il des traces de leur business à photographier ? Peut-être laissera-t-il son imaginaire fabriquer leur histoire, peut-être sera-t-il le premier à tomber sur le cadavre de Gemma recouvert de rosée.
Son rêve serait de saisir l'expression de la Mort.
Il attend avec impatience que le feu passe au vert, s'allumant une nouvelle cigarette. Et là, sans prévenir, une vague puissante emporte son esprit dans une tempête de cris aigus et de rires. Un patchwork de couleurs vives s'étale autour de lui, à hauteur de ses hanches, et remue énergiquement dans son périmètre. Des chaussures ridiculement petites, des cartables bariolés, des coupes de cheveux absurdes. A la fois éberlué et oppressé, Alex détaille la foule de mini-humanoïdes qui s'agite et lui donne des coups sans s'en rendre compte. Des écoliers.
Lorsque le feu passe enfin au vert, la vague déferle sur l'asphalte et les enfants stagnent devant la grille de l'école. Le photographe demeure immobile.
Parfois le jour lui offre un spectacle surprenant. Il aimerait les photographier mais le pesant regard des autres l'en empêche. L'image d'un enfant appartient à ses proches, certainement pas à un trentenaire louche et parfaitement inconnu. Pourtant il n'a aucune arrière pensée, mais ça, les chiens ne le savent pas. Ils ne voient leurs semblables que comme d'autres chiens prêts à dévoiler les crocs.
Alors il laisse pendre le polaroïd au bout de sa lanière et se contente de voir avec ses yeux. Il ne voit pas le beau que dans l'obscur. Il aimerait avoir un enfant, un jour. Il en ferait un artiste. Il serait un bon père, oui, même si tout le monde en doute. On ne peut être qu'un bon père quand le sien est très mauvais, n'est-ce pas ?
Il fume sa clope, appuyé contre le poteau des feux de l'autre côté de la route. Photographier le démange. Finalement c'est un très bon endroit, ici. Les angles des rues lui plaisent, comme l'entrecroisement des câbles électriques, les défauts de pavés. Il dégaine l'appareil et attrape au vol le cliché d'une paire de jambes au collant effilé. Il regarde s'éloigner la silhouette dans son déhanché incertain, presque maladroit. Son œil mécanique se déplace furtivement dans le décor. Et soudain, s'arrête. Alex relève le regard de l'appareil photo. Il vient de voir quelque chose qui ne lui plait vraiment pas.
Un grand homme en jean et polo à carreaux, quarantenaire, les cheveux châtain coiffés en arrière, traits du visage doux et aimables, le parfait stéréotype du « type bien ». Sans doute un bon père de famille qui accompagne ses enfants à l'école primaire. Et pourtant, il a croisé son regard à travers le polaroïd, avec une netteté impossible. Il est trop loin pour le discerner correctement, et pourtant, ces yeux-là lui ont fait mauvaise impression.
Hey 'Lex, qu'est-ce qui t'arrive ? Jaloux, on dirait. Cet homme-là, c'est celui que tu ne seras jamais.
Papa ... je ne fais pas exprès ... d'être moi ...
L'inconnu le fascine par le malaise qu'il lui renvoie. Il s'agenouille pour discuter avec deux fillettes puis s'en va lorsque la maîtresse d'école arrive. Mû par il ne sait quel instinct, Alex lui emboîte le pas et le photographie de dos. Il l'accompagne dans les rues. Il essaye d'attraper son profil, de le voir aussi de trois-quarts, mais jamais il ne parvient à retrouver ce regard douteux de la première fois.
Il le perd de vue et, de rage, balance un coup de Rangers dans une poubelle.
Une dizaine d'heures plus tard, Alex se réveille. Au plafond, une multitude de photos de prostituées qu'il a payées pour poser, et uniquement pour poser. Enfin … Il s'est bien laissé charmer, parfois.
Certaines de ces photos lui arrachent un sourire de satisfaction. Il a quelques dessins, aussi. Du fusain ou de la sanguine, essentiellement.
Lorsqu'il se tourne sur la gauche, dans son lit, il tombe sur un dessin de sa sœur.
Il détourne le regard, puis il se lève.
Voilà déjà trois jours qu'il est en vacances. Il passe presque tout son temps dans son appartement, devant l'ordinateur ou à regarder par la fenêtre, quand il ne sort pas faire des photos. Alex est un grand, grand asocial, au cas où vous ne l'auriez pas deviné.
Il y a quelques années encore, il vivait à peu près normalement. Fraîchement débarqué d'Oz, à 18 000 km de sa terre rouge, il avait fait des études pour finalement devenir informaticien. Il hackait de temps à autre pour quelques types douteux, pour arrondir les fins de mois. A sa sortie de l'école, il avait trouvé un job, et tapait des lignes de code huit heures par jour. Il devait être rapide et efficace.
Toute la journée dans l'open space, le bruit des touches de clavier lui martelait le crâne. Ses collègues n'étaient ni plus ni moins que des robots scotchés à leur écran. Lui devait remuer tout le temps, et buvait une dizaine de cafés par jour, fumait une vingtaine de cigarettes, juste pour excuser ses déplacements. Il avait tellement besoin de bouger qu'il se tournait dans tous les sens, croisant parfois les regards de ces types qui le scrutaient comme un animal de foire.
Au long de ces quelques mois à se sentir épié dès qu'il avait le dos tourné – c'est à dire la plupart du temps – Alex fut victime de paranoïa. La théorie du complot, tout ça, tout ça. La seule idée d'aller travailler le faisait vomir. Il lui arrivait de cauchemarder plusieurs nuits par semaine. Il était persuadé qu'on lui voulait du mal. Un beau jour, sans prévenir, il se retourna brusquement et dévisagea à coups de poings une innocente victime qui travaillait juste derrière lui. Comme ça, sans raison.
Suite à un séjour en centre psychiatrique, Alex trouva un autre job qui lui permit de travailler à distance, sans personne chez lui pour l'espionner.
Il se fait livrer sa nourriture, comme tout ce dont il a besoin entre ses murs. Il a même revendu sa moto, son vélo, donné son skate à un voisin. Il n'en a plus besoin. Il a même donné son chien, parce qu'il n'avait plus envie de le sortir. Et puis il s'est offert une jolie petite lunette astronomique. Le monde est à sa baie vitrée, il peut passer des nuits entières sur le balcon, l’œil collé dans ses divers objectifs. Il est passionné d'astronomie et compte bien découvrir celle nouvelle étoile qu'il appellera Cali ... fornia. Comme sa regrettée chienne, magnifique et affectueux dingo qui n'eut pas le loisir de vieillir à ses côtés.
Papa a tué California ... Papa a tué ... Cali ...
Calista peut aller se gratter pour avoir une étoile à son nom après ce qu'elle lui a fait.
La petite « escapade » de ce matin lui a donné envie de profiter encore un peu du jour. Le temps est bien dégagé, la lumière agréable. Il a donc programmé son réveil pour être prêt à mitrailler le crépuscule comme un vrai sniper.
Il s'installe sur son balcon, tout nu – pourquoi s'habiller quand on est ermite ? Ah oui pour les voisins … oh, tant pis. Il est au septième étage, personne ne le voit. Il s'assied sur son fauteuil, tasse de café et polaroïd à portée de main, une cigarette au bec. Il est en avance, le soleil ne se couchera pas avant quinze minutes au moins.
A cette période de l'année, il tombe très vite, si bien que la plupart des gens sortent des bureaux quand il fait presque nuit. En attendant que l'astre prenne une pose idéale, Alex règle sa lunette et s'adonne au plaisir quotidien qu'est le voyeurisme de gens normaux, c'est à dire particulièrement différents de lui. Cette activité lui est particulièrement addictive et ne fait qu'alimenter ses déviances comme sa paranoïa.
Les gens sortent des bureaux et rejoignent leurs demeures. En face de lui, l'école primaire qu'il a vue ce matin. Certains enfants sont récupérés, d'autres se débrouillent par eux-mêmes pour rentrer chez eux. Une petite rouquine attend cependant sagement, contre la grille, un parent visiblement en retard. Et puis non, le voilà qui s'amène.
Alex fronce des sourcils. Le type au polo à carreaux est revenu. Il prend la fille par la main et l'emmène. Elle semble résister puis accepte gentiment de le suivre au terme d'un court échange verbal.
Ce n'est pas l'une des gamines auxquelles il s'est adressé le matin-même.
Il sait qu'il ne devrait pas s'emballer à cause de ce qu'il voit. Il voit le complot et le mal partout. Il sait qu'il n'est pas allé chez le psy depuis six mois. Il sait qu'il est un peu taré sur les bords et pourtant, il s'habille en vitesse, attrape son polaroïd par réflexe et descend quatre par quatre les marches des escaliers de ses sept étages. Manquant cruellement d'exercice, il se casse la figure au rez-de-chaussée, mais reprend rapidement sa course.
Il a du mal à respirer, ne sent plus ses jambes. Sa tête tourne, le décor tangue, il lui faut bien une minute pour se reprendre, adossé à la grille de l'école. L'homme et la fille ont disparu. Mais il sait ce qu'il a vu. Et il se souvient du chemin qu'il a pris lorsqu'il l'a suivi ce matin.
Il les rattrape finalement, ou presque. Il a, par chance, juste le temps de les voir s'engouffrer dans une maison, au bout d'une impasse dans une rue chic. Il y a une balançoire dans le jardin.
Qui sait, c'est peut-être un oncle, parrain, ou véritablement son père … Il ne sait pourquoi, mais Alex en doute. Espionner les gens, il fait ça depuis très longtemps, et s'il n'a pas encore démantelé d'organisation secrète ou fait foirer un attentat à la bombe, ça ne saurait tarder.
Il les suit.

Quinze minutes plus tard.
Ne plus jamais sortir. Ne plus vivre parmi les autres. Ermite à jamais. Quel est donc ce sentiment terrible qui lui noue les entrailles ? Il a rendu justice, sauvé une enfant, et pourtant … il se sent si sale. Le dehors n'est pas fait pour lui. Il a connu bien trop de violence pour une vie entière, et ça a commencé très jeune. Papa … tu me fais mal … De son point de vue, il a d'excellentes raisons de préférer la solitude. Un jour, quand il se sentira capable de quitter le quartier, il partira vivre dans un désert quelconque, pourvu qu'il ne soit pas australien. Ça arrivera peut-être plus tôt que prévu. Par sa faute, un homme est mort ! Un salaud, qui reste un homme.
L'enfant s'est sauvée avec sa robe déchirée.
Recroquevillé sur lui-même, la tête entre les genoux, Alexander préfère oublier que le monde existe et que tout action génère une conséquence. Et si le monde n'était que le fruit de son imaginaire ?
Un accident. Tout ça n'est qu'un accident. Il voulait le voir crever, mais n'a pas pu le faire. Il voulait voir crever ce monstre à cause de ce que ce dernier était en train de faire à l'enfant, au moment où il est entré. Il l'a poursuivi jusqu'à l'étage pour le tuer, armé d'un couteau de cuisine, mais n'en a pas eu besoin. Un accident.
Il est incapable de faire du mal à autrui, malgré toute cette violence qui ricoche contre les cavités de son crâne, malgré ces souvenirs dégueulasses qui lui goudronnent le cœur. Jamais il ne deviendra comme son père. Il préfère fuir le réel, comme sa mère. Même fuir tout court, comme sa sœur.
Mais jamais il ne retournera en taule pour quelque chose qu'il n'a pas fait.
Pourquoi m'avez-vous trahi ?

_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _

« Grahams. Parloir. »
Le prisonnier redresse le visage, scrutant celui du gardien qui vient lui ouvrir la cellule. Parloir ? Qui donc aurait envie de lui adresser la parole ? Il n'a jamais vu personne de l'extérieur, depuis qu'il est là. Ni sa sœur, ni ses parents, pas même le peu d'amis qu'il possède. La curiosité l'amène à suivre le gardien à travers les couloirs cernés de cages.
Son avocat se tient là, derrière la vitre, téléphone contre l'oreille, l'air grave. Une boule acide vient se loger dans la gorge d'Alex lorsqu'il décroche le combiné de son côté.
« Bonjour Monsieur Grahams.
- Que puis-je faire pour vous ?
- Je suis au regret de vous annoncer une mauvaise nouvelle. Votre mère est décédée hier soir.
- ... Regrettable. »
L'avocat semble surpris du peu de réaction que suscite sa déclaration. Son client n'a-t-il donc aucun cœur ? Il ne parvient à dissimuler une pointe de dégoût dans son regard, regard qu'attrape Alex avant qu'il ne le détourne.
« Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ? J'ai pas la famille la plus adorable du monde … Ma mère était absente, mon père violent et je suis en taule à cause de ma petite sœur. Personne en dehors de vous ne me rend visite. Vous pensez peut-être que je vais pleurer ? Allez vous faire foutre ! »
Il ne prend même pas la peine de raccrocher et s'en va.
Plus tard dans la nuit, il se recroquevillera dans son lit, face au mur, et les larmes s'écouleront sans un bruit.

_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _

Il est assis sur le muret qui encadre la terrasse de la maison, à l'endroit où tout s'est précipité. Les jambes pendantes dans le vide, comme des jambes de marionnette. On dit que le corps est source d'obscurité, on dit parfois qu'il peut ne pas exister. Pourtant, Alexander Grahams a le sentiment de se connaître en entier. De se contrôler. S'il ressentait aussi bien les coups étant jeune, c'est que son corps existait vraiment. Qu'il pouvait en faire ce qu'il voulait. Ainsi, il a mis ses sens au service de sa morale. Ses mouvements sont commandés comme la hache au bout du bras d'un bourreau. Il a fallu trente ans pour qu'enfin il accède à l'objectif qu'il s'était donné il y a bien longtemps : se prendre pour la main d'un quelconque dieu et faire lui-même justice puisque personne n'est foutu de voir, comme à travers ses yeux, la vérité.
Il expire longuement sa taffe au-dessus du néant. Ce corps disloqué trois mètres plus bas l'émeut d'une autre manière, maintenant.
L'expression de la Mort … Elle est si belle !
Hey, 'Lex. T'as du sang sur les mains, Alex, le prix de ta conscience tranquille, de ton besoin de justice. Du sang que tu voudrais ne jamais laver. Laisser pourrir et noircir quelques infâmes cellules au creux de tes pores, bien profond, là où ne nettoie jamais le savon. Hey, Grahams … En boirais-tu ? En boirais-tu pour savoir si l'ignominie a un goût ? Ou s'il n'est pas si différent du tien ?
Hey, Alex … ça te fait quoi d'être un héros ?
La belle affaire. En buter un n'exterminera pas le reste des salauds. Alexander Les-Mains-Rouges Grahams fume une cigarette. Il a retrouvé ses esprits. Le détachement apparent qu'il arbore habituellement et qui lui donne un air presque hautain tant il porte la tête haute. Il semble mépriser le décor qui l'entoure, l’œil creux et la conscience vide. L'artiste a pris le pas sur l'homme. Et sans une once d'hésitation, une fois descendu dans le jardin, l'artiste a photographié le cadavre sous tous les angles. Comme si tous ses tourments s'étaient enfin expulsés sur papier. C'est fini, on n'en parle plus. Mais il ne cessera jamais de contempler ces images, il sait déjà quelle place il leur réserve dans son antre.
Près du dessin de sa sœur.
Pour toi, Cali. Pour toutes les autres Cali à travers le monde.
Son mégot échoue dans le caniveau au bout de la rue.
Il remonte chez lui, trouve la porte ouverte. C'est vrai qu'il est parti un peu vite.
Il s'arrête dans l'encadrement de la porte.
Calista.
Quand il est sorti de prison, il a vu sa lettre dans la Cabane. Elle s'excusait de ce qui lui était arrivé.
Elle allait devenir actrice. Elle est partie, emportant l'amour qu'il avait pour elle.
Il a presque battu le vieux Flynn à mort, maintenant qu'il était devenu un homme, et lui un vieil ivrogne. Juste retour des choses. Il lui a donné autant de coups de poings qu'il possédait de cicatrices de brûlures de cigarettes, autant dire que ça faisait beaucoup. Et puis il est parti, lui aussi.
Il a fait son sac, pris des objets de valeurs à son père, qu'il a revendus pour s'acheter un billet d'avion pour l'Europe.
Et il a quitté l'Australie. Neuf ans plus tard, il a appris que la maison des Grahams avait brûlé, qu'il n'en restait rien.
Son passé en fumée.
Et voilà qu'il fait son grand retour.
Il pourrait en remercier le ciel, mais il ne le fait pas. Il a trop de haine à l'intérieur. Tellement de haine qu'il pourrait lui faire du mal.
« Tu n'existes plus pour moi. Je n'ai plus de famille. »
Il brûle sous ses yeux l'unique dessin qu'il a fait d'elle.
Il la blesse pour qu'elle s'en aille, et c'est ce que fait Calista. Il la voit s'élancer dehors, le cœur meurtri.
Et les larmes roulent. Quelque chose se brise, quelque chose qu'il aurait également voulu pouvoir jeter hors de chez lui, s'en débarrasser. Un fond trouble de sentiments. Il a l'impression d'avoir tué la dernière chose qui le retenait dans le monde des vivants. S'il arrache tout l'amour qui se greffe à sa personne … Il n'a plus qu'à se pendre.
Il s'allonge dans son lit, face au mur. Il ne bouge pas pendant vingt quatre heures.
Il n'a pas refermé sa porte. Le plancher grince. Il se retourne. Peut-être que s'il avait fermé sa porte, il n'en serait pas là.
On l'assomme et on l'emmène.
Même si tu reviens, je ne serai plus là.
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